Émile Joseph Bouchard naît à Montréal le 4 septembre 1919 rue Boyer, dans la paroisse Saint-Arsène. Troisième fils de Régina Lachapelle et de Calixte Bouchard, il est le benjamin de la famille. Il passe sa petite enfance dans le quartier La Petite-Patrie, mais ses premiers souvenirs remontent à la Pointe-aux-Trembles et à ses débuts d’écolier à l’Académie Roussin.
« Nous vivions près du fleuve et j’aimais aller à la chasse aux canards avec mon père dans une petite chaloupe. J’allais aussi pêcher seul au quai. À 7 ans, j’étais fier de ramener mon premier poisson à ma mère pour le souper. »
Un petit luxe, car la famille a des revenus modestes. Le travail se fait rare pour son père, menuisier et peintre, embauché six mois par année aux usines Angus pour l’entretien des wagons du Canadien Pacifique.
Le jeune Émile comprend vite que pour améliorer son sort il doit se fier à ses propres initiatives. Ses qualités d’entrepreneur et de leader se manifestent tôt. L’été, il cultive un petit jardin sur un terrain vacant, rue Rachel près de Chapleau, sur le Plateau Mont-Royal où sa famille vient s’installer alors qu’il a 9 ans. Les légumes récoltés contribuent à la cuisine de sa mère et il en vend discrètement dans le quartier. Il ramasse aussi de la ferraille le long des chemins de fer pour la revendre ou se fabriquer des haltères de fortune. L’hiver, il rassemble des équipes de jeunes pelleteurs de neige. Même s’il est le plus jeune de la famille, il assume tôt ses responsabilités : «Je saisissais toutes les opportunités de gagner quelques sous. »
Il a de l’énergie à revendre et il aime les sports. Le baseball, le lancer du poids et, bien sûr, le hockey au parc Baldwin. Mais faute d’argent, il n’a pas de patins et on lui confie le rôle de gardien de but en bottines.
« Avec des jambières fabriquées sur ta machine à coudre de ma mère. Je lui en ai brisé des aiguilles ! Et j’avais oublié d’intégrer une jointure aux genoux : elles étaient pas mal raides mes jambières. »
Grâce à un prêt de 35$ de son frère aîné Marcel, il peut enfin s’acheter un équipement de hockey complet chez Omer DeSerres, à l’âge de 16 ans. Fini l’emprunt des patins de son oncle Émile ou de ces locations à 5Ç la paire.
En 1936, il joue maintenant au parc La Fontaine. Paul Stuart le remarque et l’encourage, comme il le fera plus tard avec Maurice Richard. Jouer au hockey dans tes parcs à la fin des années 1930 présente des défis.
« On a appris à patiner en sautant par-dessus tes défauts de la glace. On courait souvent. Maurice Richard a aussi développé cette technique. Et quand nous allions jouer dans un autre parc, on s’entassait toute la bande de gars dans une boîte de camion ouverte aux grands vents froids. J’en frissonne encore ! »
Paul Stuart, passionné par son travail, veillait à ce que les plus talentueux poursuivent leur progression auprès d’Arthur Therrien à Verdun.